MSF, Doctors Without Borders, HIV, Central African Republic
HIV/AIDS

Pourquoi les ripostes communautaires au VIH ont besoin d'un soutien accru en Afrique de l'Ouest et du Centre

La région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre reste à la traîne dans la riposte au VIH. Cette réalité se traduit notamment par une couverture insuffisante du traitement antirétroviral et de la prévention du VIH, notamment pour les enfants et les populations clés. 

En 2019, la région représentait 21% des nouvelles infections au VIH dans le monde et 30% des décès dus à des maladies liées au sida. L'incidence du VIH reste élevée pour les populations clés, en particulier les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les travailleurs du sexe. Et les femmes et les filles restent très exposées. En 2019, elles représentaient 58% des 240 000 nouvelles infections estimées dans la région. 
 

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Hortense (à gauche) s'entretient avec le Dr Gertrude Komoyo au Centre Hospitalier Universitaire Communautaire (CHUC) de Bangui, où MSF dirige l'unité VIH avancée. La fille d’Hortense est à l’hôpital depuis une semaine. Elle a contracté le VIH à l'âge de 3 ans, elle a souffert d'anémie et a reçu deux transfusions de sang. Elle a été testée et a commencé son traitement à l'âge de 9 ans, avec le soutien de sa mère.
Adrienne Surprenant

Les communautés, clés de la réponse

Il est prouvé que les interventions communautaires sont décisives pour étendre et améliorer les programmes sanitaires liés au VIH. Quand de l'espace et des ressources suffisantes sont accordées aux personnes qui vivent avec le VIH, à celles qui sont les plus affectées ou les plus exposées au risque de le contracter, on constate qu’elles assurent des services efficaces, en particulier pour les populations les plus vulnérables, marginalisées et exclues. Elles le font en responsabilisant les gouvernements et les décideurs, en s'attaquant aux injustices et aux inégalités et en levant les obstacles à la prévention et au traitement du VIH. 

En République centrafricaine, par exemple, des ‘groupes communautaires d'ARV’ promeuvent des prestations de services différenciées (PSD) qui permettent à des groupes patients séropositifs stables de désigner l'un des leurs pour aller chercher les traitements antirétroviraux du groupe pour les mois à venir, réduisant les frais de transport et le temps passé aux consultations médicales. 

En plus de rendre le traitement plus accessible, ces groupes aident également les patients à s'autogérer, à participer activement à leur traitement et assurent un soutien mutuel crucial pour la poursuite du traitement, dans un pays où la stigmatisation des personnes séropositives reste une dure réalité. 

Partout où ce type de système a été mis en œuvre, le nombre de membres n’a cessé d’augmenter et la rétention au traitement s'est considérablement améliorée. Des systèmes similaires de distribution communautaires d'ARV ont été mis en place dans d'autres pays africains où le VIH reste problématique, notamment au Mozambique, en Afrique du Sud, au Zimbabwe, en Guinée et en République démocratique du Congo.
 

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Une journée au Centre hospitalier de Kabinda, Kinshasa

En RDC, MSF est engagé dans la lutte contre le VIH/Sida depuis 1993. Le Centre hospitalier de Kabinda prend en charge gratuitement environ 3,000 personnes vivant avec le VIH/Sida et des formes graves de tuberculose. Les ruptures en médicaments, leur coût élevé et la stigmatisation dont font l’objet les patients constituent un obstacle important à la prise en charge des patients en RDC.
MSF

L’éclairage de la pandémie de COVID-19

L'importance des interventions communautaires en matière de VIH a été particulièrement visible dans le cadre de la pandémie de COVID-19. Celle-ci a durement affecté l’accès aux structures de santé, aux transports et aux traitements. Face à cette nouvelle réalité, les communautés ont pris des initiatives pour garantir que les services de prévention, de traitement et de soins du VIH atteignent tous ceux qui en ont besoin.

En utilisant des données générées par leurs membres, des observatoires communautaires et des systèmes de monitoring communautaire nationaux et régionaux mettent également en lumière des problèmes de prestation de services VIH afin d’influencer les politiques et les. 

Dans de nombreux pays de l'Afrique de l’Ouest et du Centre – tels que la RDC, la Guinée, le Cameroun ou le Burkina Faso – ces systèmes communautaires vérifient la disponibilité des ARV et d'autres services essentiels, sonnent l'alarme en cas de rupture de stock, évaluent la qualité de la prestation des services, y compris la gratuité officielle de ceux-ci, ainsi que toute attitude stigmatisante du personnel de santé. 

Dans d'autres cas, les organisations communautaires et de la société civile participent aux processus nationaux et régionaux de planification et de mise en œuvre, comme au sein du Fonds Mondial et de PEPFAR. Elles se mobilisent pour responsabiliser les gouvernements. 
 

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«Je suis ici pour travailler avec les patients qui sont fatigués, répriment leurs sentiments ou ont perdu l'envie de se battre pour survivre. Les séances peuvent aider à renforcer l'adhésion au traitement. »- psychologue de Cotonou, Bénin, donne une conférence de sensibilisation pour les patients du service de médecine générale, au projet VIH à Bangu
Adrienne Surprenant

Des acteurs insuffisamment soutenus et écoutés

Malheureusement, en dépit de l’impact et des avantages bien documentés des actions menées par les communauté, l'environnement dans lequel elles évoluent entrave toujours leur croissance et leur participation effective aux décisions. Elles restent encore sous-financées et exclues de systèmes qui remettent constamment en question leur capacité et leur crédibilité à diriger les interventions VIH. 

Des études montrent que le financement pour les ripostes communautaires au VIH reste trop faible et totalement en décalage par rapport aux engagements politiques mondiaux de 2016 censés garantir que 30% de tous les services de lutte contre le VIH soient dirigés par la communauté d'ici 2030. 

Un rapport d'AIDSFonds  montre ainsi que si 39% de toutes les nouvelles infections au VIH en 2018 ont été enregistrées parmi les populations clés d’Afrique de l'Ouest et du Centre, à peine 2% des ressources VIH ont été dirigées vers les interventions communautaires au cours de la période 2016-2018. Comment les organisations communautaires sont-elles censées renforcer leurs capacités, préserver une voix et une action indépendantes si elles ne sont pas priorisées dans l’allocation des ressources ? 
 

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  Mathurin, 43 ans, a reçu des soins au Centre Hospitalier Universitaire Universitaire COmmunautaire (CHUC) de Bangui, où MSF fournit des tests et des soins gratuits dans l'unité VIH avancée. Lorsqu'elle est arrivée à l'hôpital, il y a près de deux mois, elle était inconsciente, atteinte de tuberculose, la bouche remplie de lésions.
Adrienne Surprenant

Un moment clé à saisir

Les éléments clés de la prochaine stratégie ONUSIDA 2021-2025 seront discutés cette semaine, à l’occasion du 47ème Conseil de Coordination du Programme ONUSIDA (CCP, 15 au 18 décembre). L’année 2021 verra le Fonds Mondial et le PEPFAR, parmi d'autres acteurs clés de la santé, actualiser leurs stratégies de financement et de programme. Ces plans détermineront dans une large mesure comment réduire le fardeau du VIH en termes de décès, de maladie et d’effets sociaux, et comment remettre sur les rails la riposte au VIH dans le contexte du COVID-19. 

A l’occasion de cette réunion, MSF et 25 autres organisations communautaires et de la société civile appellent les principaux décideurs à accroître leur engagement et leur soutien aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et aux organisations communautaires en Afrique de l'Ouest et du Centre. 

Le document « Les interventions communautaires : un investissement urgent et solide pour riposter efficacement au VIH en Afrique de l’Ouest et centrale », cosigné par ces 26 organisations, appelle à des engagements ambitieux afin d’assurer des ressources, une participation et un leadership à ces organisations, et avancer ainsi vers une riposte au VIH à même de réaliser ses objectifs et buts. 
 

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L'infirmière MSF Josiane Wonzou, mesure Edith dans la salle de tri du Centre Hospitalier Universitaire Communautaire (CHUC) de Bangui, où MSF dirige l'unité VIH avancée.
Adrienne Surprenant

Tous les acteurs clés des programmes et politiques de lutte contre le VIH conviennent qu'il est important de placer les personnes au cœur de la riposte à l'épidémie. Mais cette rhétorique n’est pas suivie d’actes. Les communautés continuent d’être mises sur la touche, tant dans l’affectation des ressources que dans les possibilités de mise en œuvre d’activités. Leurs voix ne sont presque pas entendues, leur participation symbolique, au mieux. Cette situation est inacceptable. 

Si les acteurs de la santé sont vraiment déterminés à atteindre l'objectif mondial 2030 de mettre fin au sida, alors il faut dès maintenant que des engagements et des actions fortes valident le rôle des interventions communautaires en Afrique de l'Ouest et du Centre.

Le 47ème Conseil de Coordination du Programme de l'ONUSIDA est une occasion cruciale de rappeler la nécessité urgente d'intensifier les efforts en vue d'une couverture VIH accrue dans la région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre. Accélérer la mise en œuvre des réponses communautaires est essentiel pour y parvenir. Leur intégration en tant que pilier central des plans des acteurs de la santé se fait attendre depuis trop longtemps.
 

Les interventions communautaires: un investissement urgent et solide pour riposter efficacement au VIH en Afrique de l’Ouest et centrale pdf — 2.17 MB

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